Il s’agit du groupe rock de Suisse romande dont la carrière a été la plus longue, ponctuée de nombreux disques, sous trois labels: Vogue, Barclay et Evasion.

A vrai dire, les Faux-Frères eurent plusieurs vies. Formé en 1958 par le duo Gaston Schaefer et Johnny Roulet (futur Tony Rank), le groupe utilisa pas mal de formules avant que Jean-Pierre Skavronski (que tout le monde appelait "Ska") vint se joindre à Gaston, pour une collaboration qui durant plus dix ans.

Mais c’est en 1963 que la carrière du groupe s’affirma, à l’occasion de la sortie de son premier disque chez Vogue. Avec "Oh oui", une composition américaine reprise en français par Jean-Pierre Ska et une adaptation de "Be Bop A Lula", très copiée sur la version des Everly Brothers, les Faux-Frères connurent un très vif succès en Suisse romande. Malheureusement, leur disque ne fut pas beaucoup distribué en France. Ce qui était une hérésie puisque le groupe se fit en fait connaître essentiellement grâce une participation providentielle à l’émission d’Albert Raisner "Age Tendre et Tête de Bois" diffusé depuis le studio de l’ORTF à Lyon. «A cette occasion, se souvient Jean-Pierre Ska, un de nos managers, Pierre-Alexandre Aebi, nous avait promis un cachet mirobolant, des chambres d’hôtel de luxe et une ripaille de grande envergure. La réalité fut très différente: deux lits pour six personnes, un petit-déjeuner assez maigre et… aucun salaire!» Mais la joie de passer à la TV française, captée en Suisse, et la garantie de faire une belle promo pour le premier disque compensa cette désillusion! Outre Gaston et Jean-Pierre, les Faux-Frères étaient composés par Michel Vidoudez à la basse, Hervé Troillet au piano et Alain Petitmermet à la batterie.

Paradoxalement, ce fut justement avec l’arrivée de leur premier disque que les Faux-Frères durent ralentir leur ascension vers le succès. Leurs parents exigèrent en effet que les études ou apprentissages soient terminés. Les garçons attendirent donc deux ans pour tenter l’aventure professionnelle de la musique. Ce qui ne les empêcha pas d’enregistrer, à Lausanne, deux nouveaux disques chez Vogue, avant de passer dans l’écurie d’Eddie Barclay, qui leur donna l’occasion de travailler (enfin) à Paris. Le premier 45 tours sous le label Barclay fut réalisé au début 1965. Selon l’avis général, cette production de quatre titres "Viens jouer Jo", "Une fille sur l’autre quai", "Ce serait trop beau" et "Mieux que tout çà", fut la meilleure jamais réalisée par le duo. Gaston et Jean-Pierre travaillèrent dès lors avec d’autres musiciens, tournèrent en France et participèrent, pendant plusieurs semaines, à un spectacle réalisé au Bilboquet, l’une des scènes parisiennes les plus fréquentées par les jeunes.

Mais la carrière des Faux-Frères ne put hélas pas durer. La mode avait changé et les rockers venus d’outre-Manche avaient torpillé la vie tranquille des groupes francophones. Barclay cessa donc d’investir pour le duo de Lausanne, dont le second super 45-tours resta dans les bacs. La route était devenue périlleuse.

Gaston et Jean-Pierre, revenus en Suisse, tenteront encore l’aventure discographique en profitant de la création de la maison de disque Evasion, œuvre de Gaston Schaefer et de plusieurs de ses amis. Deux disques seront produits, l’un en 1967, l’autre en 1968, qui sera la dernière année des Faux-Frères. Dès lors, les deux amis suivirent des carrières séparées. Jean-Pierre Ska enregistra plusieurs de ses chansons avant de devenir ce qu’il nomme lui-même avec humour un "fonctionnaire de la culture". Quant à Gaston, il tint longtemps les rênes de sa maison de disques avec d’entrer, comme Ska, au service de la Radio romande. En 1993, à l’image de ce qui se faisait en peu partout en France, les Faux Frères réalisèrent un CD-compilation comprenant tous les titres publiés dans les années soixante. Avec, en bonus, deux titres réenregistrés "Viens jouer Jo" et "Ce serait trop beau" et un inédit, repris de leur modèle de toujours, les (vrais!) frères Everly "En suivant le soleil". Ces trois enregistrements ont été réalisés par Jean Ristori, dans un studio genevois, avec la collaboration de Pierre-Yves Gyger (guitare), Martin Chabloz (claviers), Christian Kleiner (basse) et Didier Blum (batterie).